Chrétiens, prenons garde à ne pas évacuer de notre christianisme le caractère terriblement dramatique de la croix, à la manière dont le monde moderne escamote la mort dans la vie quotidienne. De nos jours, beaucoup de chrétiens pensent qu’il ne tient qu’à eux de se réconcilier avec Dieu, et d’autres pensent qu’ils n’ont même pas besoin d’une telle réconciliation. Un peu de technique de méditation, pensent-ils, leur permet d’être au clair avec eux-mêmes et avec Dieu. Ils ne soupçonnent même pas quelles flammes sont nécessaires pour purifier l’homme intérieur de son égarement ni que ce sont justement ces flammes qui embrasent Jésus en croix. À travers tout le pharisaïsme tranquillisant de notre prétendue religiosité résonne ce cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Dans la nuit la plus noire de l’esprit, alors qu’il souffrait dans chaque fibre de son corps, assoiffé de Dieu et de l’amour perdu, il expie notre bienheureuse indifférence.
Card. Hans Urs von Balthasar
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